Il est temps de créer un rassemblement de tous ceux qui en nombre croissant, ne peuvent bénéficier de tous les sons dont notre société est remplie : musique, publicité, pétarades, discours, lamentations. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative de lancer un mouvement dont le nom pourrait être, le réveil des sourds, la révolte des malentendants ou la guerre des décibels, selon l’accent choisi, religieux, social ou médiatique. Comme la mode aujourd’hui est plutôt d’atténuer – par les mots – les misères humaines, je choisis : malentendants, à l’instar des malvoyants qui ont remplacé les aveugles et des démunis qui ont remplacé les crève-la faim.
Ce mouvement, ou ce club, ou ce parti (peu importe la coupe si le vin est bon) devrait commencer par inventorier les nombreuses expressions qui désignent, plus ou moins familièrement, notre spécificité. Je pense, aux durs de la feuille, aux faibles de l’esgourde, aux ramollis du pavillon, avoir les portugaises ensablées, moins courantes que, sourd comme un pot, et parait-il aussi, comme un vase étrusque ! Loin de nous en offusquer réjouissons-nous de contribuer ainsi à l’enrichissement de la langue française. Un bel objectif , au moment où celle-ci décline dans le monde.
Ensuite, comme chacun sait , les vieux surtout quand ils sont sourds, veulent enseigner la jeunesse.. faute de l’entendre. Nous inviterons les jeunes à écouter une barcarolle de Debussy, pendant que nous faisons la sieste, au lieu de ce rock démoniaque qui leur abîme le tympan. Nous leur conseillerons de choisir des professions silencieuses comme psychanalyste plutôt que manœuvre sur marteau-piqueur… enfin, pour ceux qui peuvent encore choisir. Nous les inciterons à faire du vélo plutôt que du scooter, afin de laisser un peu de place à nos voitures. Mais, comment les sermonner, si nous ne chassons pas d’abord nos mauvaises et cyniques pensées : les jeunes d’aujourd’hui ? Ils seront sourds bien avant que nous ne l’avons été nous-mêmes.
Nous tenons à la disposition du public quelques tests simples. Par exemple : vous êtes à table chez Gustave et Madame Yolande. Le voisin de Gustave lui demande : « Je te sers du blanc ou du rouge ? Du rouge répond illico Gustave. Un moment passe, Yolande appelle son mari « Chéri, tu peux aller voir si la tarte est prête ? » « Hein… , répond l’intéressé d’une voix lasse ! Nous ferons encore patienter Gustave quelque temps avant de l’inscrire au club, car il est pour l’heure un malentendant prématuré qui fait le sourd quand ça l’arrange.
Il reste l’épreuve la plus redoutable que doivent affronter les malentendants, quand le conférencier ou le prêcheur, parle des minutes et des minutes, au point qu’un doux assoupissement envahit l’auditeur qui se réveille aux applaudissements. En fait, l’épreuve vaut pour tout le monde : car il ne s’agit pas seulement d’entendre, il faut aussi comprendre, ce qui n’est pas donné à chacun. Nous le savons bien, il y a beaucoup de bien entendants qui sont des mal comprenant. Alors, y a-t-il une différence entre celui ou celle qui ne comprend rien tout éveillé, et le malentendant qui en profite pour faire une petite pause ? C’est une forme de parité en somme.
Enfin, nous sommes bien plus proches qu’il n’y parait quand il est question d’écouter une parole de vie, car dans ce cas, point n’est besoin d’oreilles, puisque celui qui nous parle s’adresse à notre cœur.
Guy Bottinelli
31 Janvier 2016
Bonjour.
Pour avoir un frère désormais » appareillé » , je sais que l’ audition, lorsqu’elle est devenue déficiente, isole et conduit, temporairement au moins, au repli sur soi, voire, lorsque la situation perdure, contribue au développement de maladies de type neuro-dégénératives, peut-être…
Dans l’ actualité, bonne nouvelle apparemment ! Voir la vidéo au Sénat, du 28/04, sur l’ article 43 portant sur les » Relais téléphoniques » ; une pétition avait circulé à ce propos.
Cordialement, Pierre CONSTANS.
Savoureux texte dont le contenu et l’humour entrent joyeusement en résonance bienfaisante.
La réflexion est cependant profonde entre mal/bien-entendre (ouïr), mal/bien-écouter et mal/bien-entendre (comprendre). Et quand on commence de croiser les expressions, cela peut laisser songeur.
Ici la place de la musique, dans l’éducation, pourrait être cruciale pour se donner les chances d’une évolution, car le vivre ensemble au quotidien ne peut se passer de bien-écouter et bien-entendre.
Merci beaucoup, Guy !